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Le murmure incessant de la vie en moi - Dom André Louf

LE MURMURE INCESSANT DE LA VIE EN MOI

A partir de « Le chemin du cœur, l’expérience spirituelle d’André Louf » p. 70-73

André Louf a été éduqué selon les principes d’effort et de volonté qui coloraient alors toute éducation chrétienne et considéraient la prière comme un exercice dont il fallait s’acquitter : « De mon temps de jeunesse, écrit-il dans un témoignage, un certain nombre de « méthodes » d’oraison circulaient, recommandées par des traditions respectables. On les essayait au choix, en y investissant une forte somme de générosité. Bien vite il fallait se rendre compte que la prière n’était pas le fruit infaillible de cette générosité, ni de quelque méthode aussi éprouvée soit-elle. Mon erreur de tactique, pourrait-on dire, était de vouloir atteindre la prière, ou même la construire, à l’extérieur de moi-même, au bout de mes propres efforts, jusqu’au jour où il me fut donné de comprendre qu’elle n’était pas à chercher en dehors de moi, mais qu’elle m’était donnée au-dedans, au plus profond de mon cœur. Et même donnée au préalable, avant tout effort ou toute application de méthode de ma part. »

 

En matière de vie intérieure, la force du poignet ne mène nulle part, si ce n’est à se casser le nez ; il faut plutôt se laisser saisir par la grâce, la suivre humblement, être à l’écoute de l’homme intérieur, cet « homme caché du cœur » dont parle St Pierre (1P, 3-4) qui affleure à la conscience : « Grand désir d’intériorité autour de Jésus, griffonne-t-il à cette période. Il n’y a qu’une seule réalité qui compte, chaque jour plus irrépressible : la personne de Jésus, sa présence au cœur, à la racine de mon être. Cette réalité doit venir comme une respiration intérieure, comme le murmure incessant de la vie en moi. Peut-être que le seul geste à apprendre, c’est de se décontracter, de se laisser aller, de lâcher les attaches au sensible et au passager. Une fois que le centre de l’intériorité est dégagé, tout devient simple, facile. La vie de Dieu est toujours là, aux sources même de notre être. »

 

(…) A cette période le jeune moine découvre la prière du cœur, cette prière qui consiste à attirer Jésus dans son cœur par l’invocation lente, sans cesse répété de la phrase du publicain de l’Evangile : « Seigneur Jésus, Fils de Dieu, prends pitié de moi, pêcheur. » Calée sur la respiration, cette rumination intérieure produit un grand apaisement, comme si Jésus investissait tout l’être, devenait sa respiration, son souffle de vie.

Clairement André est en train de descendre vers sa cellule intérieure, l’oratoire de son cœur où la prière de l’Esprit ne s’interrompt jamais :

 

« Attrait très fort, irrésistible et apaisant à la fois pour la prière. Être doucement présent au Seigneur, marcher avec lui sans cesse.

Pour la vie de prière, le plus important est d’en découvrir d’abord l’organe. Il est situé à une profondeur vertigineuse de notre intériorité et la plupart des hommes l’ignorent.

Tous les grands spirituels ont essayé de lui donner un nom : cœur, noûs, mens, fine pointe de l’âme.

Il est la source la plus profonde de notre être, un tréfonds que notre conscience n’atteint qu’en des moments de rares plénitude spirituelle. Un univers que seul le saint a exploré et où il a fixé sa tente, mais dont tout homme devrait au moins soupçonner l’existence.


Il est le point où notre être est en dialogue permanent avec Dieu, le point de contact où l’amour de Dieu sans cesse nous atteint et nous recrée, le foyer d’existence le plus ardent de notre être. C’est l’endroit où nous sommes en baptême perpétuel et où,

que nous le sachions ou que nous ne le sachions pas,

notre âme ne peut être que dans un état ininterrompu de prière, sous peine de sombrer instantanément dans le néant.

 

Les poètes, les philosophes ont eu une certaine intuition naturelle de ce noyau de l’homme, par voie naturelle.

Mais seuls les sens spirituels, illuminés par la foi peuvent "travailler la terre de leur cœur" pour y découvrir le trésor caché,

pour y capter le mince filet de prière qui,

malgré nous presque,

y sourd perpétuellement,

ce souffle léger qu’un matin de notre création Dieu Père a insufflé dans notre âme. »

 

 

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